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En plus des droits définis dans la Charte Universelle des Droits de l'Homme, les enfants bénéficient, en raison de leur vulnérabilité, des droits spécifiques repris dans la Convention sur les Droits de l'Enfant (CDE) et la Charte africaine du bien-être et des droits de l'enfant. A partir des données du Troisième Recensement Général de la Population et de l'Habitat (3ème RGPH), l'analyse du thème portant sur la « Situation sociale et économique des enfants et des jeunes » tente d'apporter au Gouvernement et à la communauté nationale et internationale, un éclairage sur l'état de la protection des enfants et des jeunes, au regard de leurs droits. Elle permet ainsi de disposer des indicateurs utiles à la formulation des politiques et programmes de développement, au suivi et à l'évaluation des progrès accomplis dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) auxquels le Cameroun a souscrit. Le présent rapport se propose d'apporter une réponse à l'objectif n°10 du Troisième Recensement Démographique, à savoir, fournir « les éléments pour le plaidoyer en faveur de la femme et de l'enfant ».
Les travaux d'analyse des données du Troisième Recensement Démographique ont permis de faire la lumière sur la situation sociale et économique des enfants et des jeunes à travers la production d'un certain nombre d'indicateurs pertinents relatifs au profil démographique de chacune des populations en question, et aux principaux défis socioéconomiques se rapportant à leurs conditions de vie. Les principaux résultats sont les suivants :
Sur un effectif total de 17.463.836 habitants que compte le Cameroun en 2005, l'on dénombre 7.618.357 enfants âgés de moins de 15 ans dont 3.870.707 garçons et 3.747.650 filles, soit un indice de jeunesse1 de l'ordre de 43,6% au niveau national, dont 39,2% pour le milieu urbain et 47,8% pour le milieu rural. La population des jeunes âgés de 15 à 24 ans est constituée de 1.731.567 garçons et de 1.875.129 filles, soit 3.606.696 individus représentant 20,7% de la population totale. Autrement dit, sur l'ensemble de la population camerounaise, au moins 1 personne sur 5 est jeune. D'après ces statistiques, il s'agit d'une population jeune à prédominance rurale, aux besoins multiples et variés en raison des spécificités des différents groupes qui la composent.
1 L'indice de jeunesse indique la proportion des enfants âgés de moins de 15 ans au sein d'une population donnée.
Par rapport aux enfants, l'amélioration de l'état de leur droit à l'éducation exige des efforts supplémentaires car au Cameroun, 1 enfant d'âge scolaire obligatoire sur 4 ne va pas à l'école en 2005. Au niveau national, le taux de scolarisation des enfants d'âge scolaire obligatoire se situe à 75,1% dont 84,0% pour le milieu urbain et 67,9% pour le milieu rural. L'analyse différentielle de la scolarisation a également viii
permis de mettre en relief des disparités frappantes liées à l'influence persistante du milieu de résidence et de certaines caractéristiques sociodémographiques et culturelles sur l'éducation des enfants. Les résultats du 3ème RGPH ont montré ainsi que : la fréquentation scolaire est plus faible dans les campagnes que dans les villes ; quels que soient la région ou le milieu de résidence, les garçons sont plus avantagés que les filles en matière de scolarisation ; la pauvreté se révèle comme l'un des obstacles majeurs à l'éducation, plus particulièrement dans les régions septentrionales où les taux de scolarisation des enfants d'âge scolaire obligatoire se trouvent à leur plus faible niveau. Bien que formellement interdit, le travail des enfants demeure une réalité préoccupante. Environ 7,0% d'enfants d'âge scolaire sont en activité dont plus de 95,0% exercent dans le secteur agricole. Les résultats du 3ème RGPH ont également révélé l'ampleur des risques environnementaux auxquels sont exposés les enfants. A l'instar de l'ensemble de la population, l'accès à l'approvisionnement en eau salubre pour les enfants âgés de moins de 5 ans demeure un défi à relever. En effet, les dangers environnementaux (pollution de l'air à l'intérieur des habitations, contamination de l'eau, absence de système d'assainissement adéquat, etc.) mis en évidence à travers la présente étude constituent une menace permanente pour la santé des populations, et celle des enfants particulièrement.
En ce qui concerne la jeunesse camerounaise, les résultats montrent que les conditions de vie de cette catégorie nécessitent des efforts supplémentaires d'amélioration du fait de leur vulnérabilité. Près de 15,0% des jeunes sont restés en marge du système éducatif, d'où leur faible niveau d'instruction qui, dans l'ensemble, reste relativement faible. Une personne sur cinq dans cette catégorie est sans niveau d'instruction et 1 personne sur 10 seulement a atteint le niveau de l'enseignement supérieur. L'alphabétisation des jeunes, qui est le reflet de leur scolarisation, reste à la traîne. Au niveau national, leur taux d'alphabétisation en langues officielles qui est de 79,3% présente de grandes disparités par rapport au sexe et au milieu de résidence. Dans les villes et les campagnes, ils sont respectivement de 91,9% et 62,5% alors que par rapport au sexe, l'écart est de 8,0 points en faveur de la gent masculine de cette population. Par ailleurs, une bonne partie de la jeunesse est en butte au chômage avec un taux s'élevant à 39,3% dont 57,9% pour les jeunes urbains et 20,1% pour les jeunes ruraux. Ceci serait la conséquence évidente de la rareté d'opportunités d'emplois dont le taux est passé de 36,0% à 23,8% entre 1987 et 2005. Dans un tel contexte, le chômage et le sous-emploi des jeunes, se traduisant également par leur forte concentration dans l'économie informelle, constituent les principaux défis au travail décent fortement recommandé par le Bureau International du Travail (BIT) et l'Organisation Internationale de Travail (OIT).
Sur la base des données d'enquêtes et de recensements, le niveau des indicateurs chiffrés et les tendances observées indiquent à quel point, du fait de la lenteur des progrès réalisés, le Cameroun a encore du chemin à faire pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Il s'agit notamment de : l'OMD ix
n°2 relatif à l'Education Primaire pour Tous (EPT) ; l'OMD n°3 portant sur la promotion de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ; l'OMD n°7 en rapport avec la mise en place d'un environnement durable et l'OMD n°8 relatif à la bonne gouvernance, au développement et à la lutte contre la pauvreté tant au niveau national qu'international. Les défis relatifs à la scolarisation et à la santé des enfants ainsi que ceux portant sur l'éducation, la formation et l'emploi des jeunes soulevés par la présente étude sont pourtant à la portée du Cameroun au regard de son énorme potentiel.
Pour ce qui est de l'amélioration du bien-être des enfants dont l'hétérogénéité de sa population a été mise en évidence par l'analyse du profil démographique, seule une stratégie intégrée, basée sur des interventions ciblées et mieux coordonnées des pouvoirs publics et autres partenaires au développement, peut déboucher sur un succès durable. Il est indispensable d'accorder une attention particulière aux enfants en situation difficile dont l'état de droit à l'éducation demeure préoccupant du fait de leur vulnérabilité sociale. De même, il est urgent de renforcer les programmes en faveur d'une meilleure gestion de l'environnement immédiat et d'accès à l'approvisionnement en eau salubre propre à la consommation. Une telle mesure pourrait préserver les enfants âgés de moins de 5 ans des maladies dues à la crise de l'eau ou aux problèmes d'assainissement et d'hygiène qui demeurent les principales causes de leur morbidité et de leur mortalité. La vulnérabilité sanitaire de ces enfants constitue une menace permanente à la jouissance de leur droit à la santé.
En ce qui concerne l'amélioration des conditions de vie des jeunes qui sont également un groupe non homogène, la meilleure stratégie pour y parvenir est celle qui accorde la priorité aux investissements pouvant générer le plus grand nombre possible d'emplois, et plus particulièrement des emplois indépendants. La modernisation de l'agriculture et la mise en place des grands projets structurants sur lesquels les pouvoirs publics misent l'insertion socioéconomique de cette catégorie, s'inscrivent sans doute dans cette logique. Cependant, une bonne éducation et des formations appropriées destinées aux jeunes ainsi qu'une meilleure coordination des interventions ciblées des différents acteurs oeuvrant pour la promotion d'un environnement favorable à leur épanouissement demeurent les principaux préalables à même d'accroître leur employabilité. Pour accélérer les timides changements observés ces dernières années, il est souhaitable que les politiques et programmes sectoriels découlant de « Cameroun vision 2035 » et de la Stratégie pour la Croissance et l'Emploi soient effectivement mis en oeuvre. |